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vendredi 24 janvier 2014

Ernest & Rebecca au Musée d’Angoulême



Ernest est un virus, très puissant mais gentil ; Rebecca la petite fille qui l’a attrapé. Sur cet étrange couple est basé la série* - publié chez Le Lombard - de Guillaume Bianco (scénariste) et Antonello Dalena (dessinateur) qui fait l’objet d’une exposition du 30 janvier au 2 mars 2014 au Musée d’Angoulême. 

© Le Lombard
  
En quelques lignes :

- une partie qui présente et explique la série et ses personnages

- une section avec des jeux et des activités variées pour les enfants (marelle, chamboule tout, duel Rebecca vs. Docteur Fabkert, bataille de virus)

- des ateliers sur l'éducation à la santé, organisés en partenariat avec l’association LesPetits Débrouillards

- un espace pour dessiner et imaginer son virus, avec un concours, où les dessins pourront être affichés

- un lieu de lecture


En somme, une exposition tout public qui ne se limite pas à l’espace qui lui a été dédié. Les personnages de la série envahiront ainsi le musée, puisqu’ils vont être utilisés comme signalétique dans le reste du bâtiment.


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*En 2013, le tome 4 a été récompensé au Festival en recevant le Prix des Écoles.

mercredi 22 janvier 2014

Les enjeux du numérique


On ne peut plus s’en passer. Sans pour autant arriver aux pires excès, il faut désormais accepter leur existence et, surtout, les intégrer intelligemment dans la vie de nos petits*. Il s’agit bien sûr des tablettes et des contenus qui sont développés pour ces nouveaux supports. 



La publication récente d’une photo montrant un bébé couché dans un landau équipé d’une tablette a agité le web. Une pétition a été lancée pour demander le retrait du marché de ce nouvel appareil. Près de 13.000 signatures ont déjà été collectées.

Il est désormais évident que « l’investissement dans le numérique est la clé ». C’est en tout cas ce que soutiennent de nombreux éditeurs pour la jeunesse dans une déclaration faite à l’occasion de la conférence Launch Kids au Digital Book World 2014 (13-15 janvier).

La France est pour l’instant loin d’atteindre les chiffres de vente qui caractérisent les Etats-Unis, mais le secteur est quand même en développement. Les éditeurs essaient d’exploiter de nouveaux modèles économiques, de rester au contact du marché tout en cherchant la rentabilité – produire une application reste encore cher par rapport aux bénéfices qui peuvent en être tirés –, et d’explorer des domaines inédits. 

© La Petite Bibliothèque Ronde

Le numérique en bibliothèque

Mais qu’en est-il du coté des bibliothèques ? Le milieu est tout à fait réceptif aux innovations. « Que 2014 soit l’année des bibliothèques », avait déclaré Aurélie Filippetti, ministre de la Culture et de la Communication, en prônant en même temps « un véritable service public numérique de proximité ». Le 10 décembre, par exemple, l’Association desbibliothécaires de France (ABF) a organisé une journée d’études sur le thème :

Enjeux numériques : quelle partition jouer avec les nouveaux outils de lecture ?
Liseuses, tablettes, applications, ebooks font désormais partie de notre quotidien. Mais où en est-on du côté des bibliothèques ? Quelles sont les offres existantes et quels contenus pouvons-nous proposer à nos publics ? De plus en plus d'établissements font le pari de la lecture numérique. Succès, échec, quels bilans peut-on en tirer ?

Des exemples concrets : BibApps




Citons le cas de La Petite Bibliothèque Ronde (PBR) de Clamart qui, depuis déjà cinq ans, met à disposition de ses utilisateurs de 0 à 12 ans des tablettes et des contenus numériques. De plus, elle vient tout juste de mettre en ligne BibApps, la première plateforme d’applications jeunesses collaborative.

 
Voici en quelques lignes, les points forts de ce nouvel outil :


- un catalogue créé par des bibliothécaires pour les professionnels de la lecture publique 

- un programme collaboratif auquel chaque bibliothécaire pourra contribuer en ajoutant des nouvelles applications 

- trois critères d’évaluation : les animations possibles à partir de l’application, sa qualité, et le niveau d’accessibilité pour les publics présentant un handicap.


* Le 17 janvier 2013 une étude – L’enfant et les écrans –  a été publiée par l’Académie de science.

Cet avis de l’Académie des sciences tente donc de rendre compte de façon mesurée des aspects positifs et négatifs rencontrés lorsque les enfants de différents âges utilisent ces divers types d’écrans. Le sujet suscite un intérêt considérable qui a motivé la rédaction de très nombreux articles ou rapports antérieurs. L’originalité de cet avis, préparé sous l’égide de l’Académie des sciences en collaboration avec la fondation « La main à la pâte », est d’intégrer les données scientifiques les plus récentes de la neurobiologie, de la psychologie et des sciences cognitives, de la psychiatrie et de la médecine, avec la réalité rapidement évolutive des technologies numériques et de leur utilisation.


© La Petite Bibliothèque Ronde







lundi 20 janvier 2014

Gérard Dhôtel : portrait d'un journaliste/écrivain


Un double regard, une vraie passion pour la recherche du pourquoi, une plume agile et sûre d’elle : voici en quelques mots ce qui caractérise Gérard Dhôtel, journaliste et écrivain à la carrière et la bibliographie remarquable. L’une de ses dernières publications, Israël – Palestine : une terre pour deux (Actes sud junior), a ainsi gagné la Pépite du Documentaire 2013, remise à l’occasion du Salon du livre et de la presse jeunesse en Seine Saint-Denis. 



Pourquoi avez-vous choisi de parler du conflit israélo-palestinien, un thème controversé ? 
C'est parce que, justement, il est controversé que je l'ai choisi. J'avais envie de comprendre ce conflit, comprendre aussi pourquoi il suscite tant de passions, de haines, d'incompréhensions. Pourquoi tant d'idées reçues sont proférées à son sujet. C'est une documentaliste qui m'a soufflé l'idée. Il n'y avait rien qui expliquait cette guerre. Que des ouvrages engagés ou très compliqués. Je me suis donc plongé dans ce sujet pour comprendre et, ensuite, pour expliquer. C'est mon métier. C'est ce que j'aime. 

Quels retours avez-vous eu ?
Côté Palestinien, quelques critiques. Des détails. Côté Israélien, pareil. Donc, c'est bon signe. Côté enseignants, parents, ados : souvent un merci. Genre : je ne comprends rien à ce qui se passe là-bas. Ca va m'aider.

© Arno - Actes Sud junior 2013

Vous êtes journaliste de profession, devenu écrivain. Regrettez-vous d’avoir mis entre parenthèses votre carrière dans la presse ? 
Non. Je ne regrette jamais les décisions que j'ai prises. En fait, la disponibilité engendrée par mon départ du Monde des ados, que je dirigeais jusqu'en 2010, m'a permis de me consacrer davantage à l'écriture. J'ai pu mener à bien des projets et, pour commencer, mon livre sur les ados, chez Thierry Magnier.

Comment a eu lieu cette transformation ? Peut-on d’ailleurs parler de transformation ?
J'avais déjà un pied dans l'édition. Là, j'ai pu y sauter à pieds joints, avec les deux pieds, je veux dire. C'est une transformation et ce sentiment étrange de changement de peau. Là, le 99% journaliste devient 75% auteur. Il faut s'organiser autrement, avoir une autre notion du temps, des urgences mais aussi de la gestion de son budget. Car l'édition paye beaucoup moins que le journalisme ! 

Quelle est la différence entre l’écriture journalistique et littéraire ?
L'écriture journalistique, c'est la narration des faits, leur explication, de façon concise, urgente. L'écriture plus narrative oblige l'auteur à plus se dévoiler, à se mettre en scène parfois. On a le temps, l'espace, la liberté. Quoique dans l'écriture de documentaires, les contraintes journalistiques reprennent le dessus. Et c'est une bonne chose car on s'oblige à écrire pour son lecteur, à être précis dans ses formulations, à chercher la bonne source, à réfléchir au sens de ce que l'on écrit...  

Quel regard portez-vous sur le panorama contemporain de l’offre éditoriale pour les adolescents ? Y a-t-il des vides à combler ?
Les ados ont beaucoup de livres - romans, docus, albums - et de magazines à leur disposition. Le choix est varié, de qualité, adapté à diverses situations. Le problème, c'est le prix. Personne n'a encore trouvé le modèle économique qui pourrait rendre le livre et la presse accessibles au plus grand nombre. Du coup, ce sont toujours les mêmes qui lisent. Pour moi, le frein principal de la non-lecture est social. 

Des conseils pour les jeunes écrivains ?
Ecrire, réécrire, se demander : mais pour qui je fais ça ? Puis faire lire, pas forcément à des proches car leur regard n'est pas objectif, il y a trop d'affect dans la relation. Trouver une bonne histoire, solide, construite, passionnante. La qualité d'écriture viendra après.

Qui sont vos références littéraires ?
Elles sont multiples car j'aime découvrir, picorer, essayer. J'aime Zola pour son statut d'écrivain/journaliste. J'aime Dumas pour sa façon de raconter l'histoire. J'aime Victor Hugo pour son engagement et ses visions d'avant-garde. J'aime Hergé pour m'avoir fait rêver avec Tintin. J'aime Jean Lacouture et ses biographies. J'aime les textes de Brel. J'aime Gérard Mordillat et ses épopées sociales.

Quel est votre écrivain préféré ? Et pour la jeunesse ?
Préféré ? Dumas, je crois. Pour la jeunesse ? Je suis fasciné par les illustrateurs. Enfin, par certains. Ils font ce que je ne saurais jamais faire !

Y a-t-il un illustrateur/trice avec lequel vous souhaiteriez travailler ?
Pas particulièrement. J'aime découvrir l'illustrateur/trice que me propose mon éditeur pour tel ou tel ouvrage.

Des projets futurs ?
Un docu sur la guerre d'Algérie à paraître en novembre (chez Actes Sud Junior), un docu sur les Etats-Unis (Nathan), "Comment parler d'histoire de France aux enfants (Baron Perché), un "Vrai-faux" sur l'histoire (De La Martinière).

Pourriez-vous choisir le passage d’un livre et l’analyser ?
J'ai écrit un livre chez Syros, il y a quelques années, "Bedirya la volontaire". Je ne sais pas trop s'il a marché ou non mais c'est mon préféré car il relate mon histoire. Ca se passe en Erythrée. C'est la rencontre d'une jeune fille et d'un journaliste. L'Afrique et l'Europe. J'ai choisi la structure à deux voix. Parfois, c'est Bedirya qui parle, parfois le journaliste et, de temps à autre, sur un même thème. Cette technique me permet de décrire le regard que l'un a sur l'autre, d'exprimer des sentiments, des sensations et, aussitôt de les contrebalancer par les propos de l'autre. C'est un jeu de miroir déformant.
J'adore.


Exemple :

La rivière à sec (Bedirya)

Il est bizarre, ce Français ! Il veut nous accompagner jusqu'au village. Pourquoi pas, après tout, s'il y tient. Mais je ne suis pas sûr qu'il aura la force d'y arriver. Il fait trop chaud. La femme d'Asmara remonte dans la voiture qui fait aussitôt demi-tour pour se diriger vers le village, par la piste. Nous reprenons le chemin de la rivière. L'homme nous suit. Les garçons rient en nous voyant passer.

Le village (Le journaliste)

Bedirya et Noura marchent de part et d'autre de l'âne. Je les suis, quelques pas derrière. Le soleil est encore plus brûlant que tout à l'heure. Quelle température peut-il faire ? 45°C, 50 ? Je n'en sais rien. C'est long. Quelle idée j'ai eue ! Je n'y arriverai jamais. Je transpire, je trébuche, je souffle. Je n'en peux plus... Bedirya se tourne vers moi. Elle sourit. Elle se moque de moi, c'est sûr. Non, son sourire est amical (...)


vendredi 17 janvier 2014

Enfin un musée d’art ludique pour Paris


© DisneyPixar 

Jusqu’au 2 mars, il sera possible de visiter Pixar, 25 ans d’animation, une grande exposition dédiée au célèbre studio américain. Aux Docks*, dans un espace de 1.200 m2 que son fondateur – Jean-Jacques Launier** – n’hésite pas à définir comme « le premier musée au monde consacré à l’art ludique », les visiteurs pourrons admirer plus de 500 œuvres : croquis, études de personnages et de décors, storyboard, sculptures. 

© DisneyPixar


© DisneyPixar


© DisneyPixar

© DisneyPixar


Cette rétrospective***, présentée pour la première fois en 2006 au MoMA à New York, a fait le tour du monde avant d’arriver dans la Ville Lumière et d’être accueillie dans un endroit très spécial. Un lieu où l’univers des jeux vidéos, celui des mangas ou des comic books, du film d’animation ou encore de la bande dessinée sont interrogés et sondés.  

© DisneyPixar

* LES DOCKS - Cité de la Mode et du Design 34, quai d’Austerlitz 75013 Paris 
Du lundi au vendredi, de 11 heures à 19 heures (nocturne vendredi jusqu'à 22 heures), samedi et dimanche de 10 heures à 20 heures.
** Il dirige aussi la Galerie Arludilk 
*** Sous John Lasseter, le département créatif de Pixar a créé TOY STORY, le premier long-métrage produit par le studio en 1995, puis a notamment créé 1001 Pattes , Monstres & Cie, Le monde de Nemo, Les Indestructibles, Cars, Ratatouille, Wall.E, Là-Haut et Rebelle. Les longs-métrages comptent 40 nominations aux Oscars, dix Oscars, sept Golden Globes et de nombreux autres prix.

© DisneyPixar

 

mercredi 15 janvier 2014

Plan de soutien à la librairie indépendante


Le ministère de la Culture et de la Communication ainsi que le Centre National du Livre (CNL) ont conjointement lancé le plan de soutien à la librairie indépendante. Il avait été annoncé en mars 2013 par la ministre Aurélie Filippetti. Les objectifs ? Alimenter les trésoreries des librairies en difficulté, mais également faciliter la reprise de certains établissements.

Aurélie Filippetti à Bordeaux, peu après l'annonce du plan de soutien
(ActuaLitté, CC BY-SA 2.0)

Le triste exemple des Librairies Chapitre

Lundi 2 décembre 2013, la direction des Librairies Chapitre* s’est déclarée en cessation de paiement devant le tribunal de commerce de Paris. Ce dépôt de bilan concernait 53 librairies. Depuis, onze librairies ont été cédées. Le groupe Madrigall (Gallimard) a repris le Hall du Livre de Nancy, tandis que Albin Michel a acquis les librairies de Besançon, Orléans, Paris, Lorient et Limoges. Pascal Dulondel, ex-directeur de la librairie Chapitre d’Angoulême, a racheté son magasin tout comme Marie-Lou Ribeiro, qui dirigeait celle de Saint-Brieuc. Jérôme Egéa, directeur régional des Librairies Chapitre, se lance à son compte à Perpignan, comme un libraire qui a repris le point de vente de Montélimar. Enfin la boutique de Cherbourg a été rachetée par le centre Leclerc. Tous reprennent le fond de commerce, les contrats de travail attachés et les stocks. 315 emplois ont déjà été sauvés.

(Charlotte Henard, CC BY-SA 2.0)
Le tribunal de commerce de Paris a autorisé, mercredi 8 janvier, les Librairies Chapitre à poursuivre leur activité jusqu'au 10 février, un délai qui doit permettre de trouver de nouveaux repreneurs pour les 41 boutiques qui restent à céder.

Que va-t-il arriver ?

Le plan de soutien à la librairie indépendante

Comme l’indique le communiqué de presse publié le 8 janvier dernier, le Centre national du livre a doté l’Association pour le développement des librairies de création (ADELC) et l’Institut pour le financement du cinéma et des industries culturelles (IFCIC) pour un total de 9 millions d’euros, afin d’assurer l’exécution du plan de soutien en faveur de la librairie indépendante.

- 4 millions d'euros sont attribués à l'ADELC pour la transmission et la reprise de commerces de librairies indépendantes.
Sont éligibles des libraires dont l'activité de vente de livres neufs est majoritaire dans leur chiffre d'affaires.
Les dossiers sont examinés par un comité d'engagement de l'ADELC où siège le CNL. En 2008, un 1er fonds avait déjà été confié à l'association par le ministère de la Culture et de la Communication et avait permis d'accompagner plus de 50 librairies.

- 5 millions d'euros sont attribués à l'IFCIC pour pallier les difficultés de trésorerie que certaines librairies peuvent rencontrer ponctuellement.
Sont éligibles les PME indépendantes établies en France, créées depuis plus de 2 ans et répondant aux critères européens de la PME autonome. L'entreprise bénéficiaire doit avoir pour activité principale la vente de livres neufs au détail.
L'instruction des dossiers est assurée par l'IFCIC. Les demandes d'avances sont examinées par un comité d'engagement (composé de professionnels, de personnalités qualifiées et d'un représentant du CNL), qui sera sollicité par voie dématérialisée.

Les demandeurs potentiels peuvent déjà se faire connaître auprès de l'ADELC, de l'IFCIC ou du CNL. (Communiqué de presse du CNL)  

Il est bien sûr encore trop tôt pour faire le bilan de ce plan de sauvetage, mais nous irons prochainement à la rencontre des libraires indépendants pour en savoir plus. 

* Le réseau Librairies Chapitre, filiale du groupe Actissia, compte 57 magasins en France. Avec son concurrent France Loisirs, il est le n°2 de la distribution du livre dans l’Hexagone. L’entreprise emploie 1.200 salariés.

lundi 13 janvier 2014

Le fabuleux monde de Satoe Tone

Satoe Tone, née en 1984, a fait des études d’illustration et de graphisme à Kyoto (Japon). Puis elle est partie en Grande Bretagne pour apprendre l’anglais.
En 2013, elle a gagné le Prix International de l’illustration à la Foire du livre jeunesse de Bologne (Italie).

Bibliographie :

- Je peux le faire, Passepartout, 2011
- Mon meilleur ami, Passepartout, 2012
- Cœur d’étoiles, Passepartout, 2012
- La très grande carotte, Balivernes, 2012
- Une si jolie Terre, Balivernes, 2013
- Du chocolat pour toi, Passepartout, 2013


© Satoe Tone - Passepartout 2013

Vous êtes née au Japon, vous avez étudié en Grande-Bretagne et vous vivez désormais en Italie. Quel hasard vous a conduit à Milan ?
J’ai souvent déménagé, même quand j’habitais au Japon. Ces dix dernières années, j’ai beaucoup bougé. C’est arrivé comme ça, il n’y avait pas forcément une envie spécifique. Ayant vécu dans des endroits si différents, j’ai rencontré beaucoup de gens qui m’ont laissé autant des souvenirs. C’est quelque chose de beau et de triste en même temps.
Je ne sais pas pourquoi je suis arrivée à Milan. C’est comme si plusieurs morceaux s’étaient unis en un dessin cohérent qui m’a mené là. Pour l’instant, je veux y rester. Je n’envisage pas de changer.

Où vous sentez-vous vraiment chez vous ?
Autrefois, la vielle maison familiale était l’endroit où je me sentais chez moi. Désormais, elle n’existe plus.

© Satoe Tone - Passepartout 2011

Quelles sont les différences entre illustrations occidentale et orientale ? De qui vous sentez-vous l’héritière ?
J’ai l’impression que l’illustration occidentale est plus abstraite, alors que l’orientale est plus concrète. Quand j’étudiais à l’université, j’imitais beaucoup de peintres et d’illustrateurs célèbres. Pourtant, mes dessins étaient toujours médiocres et jamais très originaux. Personne ne les appréciait. Après mes études, je me suis éloignée du monde de l’art et j’ai commencé à observer la nature. Maintenant, quand je me sens perdue et que je ne sais pas comment dessiner quelque chose, je me tourne vers elle. Elle m’apprend beaucoup de choses intimes et profondes.
J’aime aussi échanger avec des gens qui n’appartiennent pas au milieu de l’illustration. Le monde est si grand ! Pour tout dire, c’est seulement l’année dernière, quand j’ai déménagé en Italie, que j’ai recommencé à aller voir des expositions. Mais pas pour étudier. Juste pour le plaisir.

Quelles sont les différences entre le marché du livre jeunesse au Japon et en Europe (France et Italie en particulier) ?
J’ai l’impression que les livres italiens et français sont plus libres. Le dessin joue un rôle très important. Les éditeurs respectent les différents styles des artistes et n’interviennent pas trop pour simplifier les choses, pour les rendre plus accessibles aux enfants. Les images ont alors une lisibilité différente et sont également appréciées par les adultes. Et les adultes européens achètent plus de livres que leurs homologues japonais ! Bien évidemment, ce ne sont que des généralisations et des impressions personnelles.

© Satoe Tone - Passepartout 2012

Qui sont vos illustrateurs préférés ?
Il y en a tellement ! Je pense, par exemple, à Seiji Fujishiro, un grand artiste du shadowgraph. J’adore ses œuvres. Je n’arrive pas bien à expliquer pourquoi, mais il suffit de les regarder. Elles sont exceptionnelles. Il y a aussi Yumeji Takehisa, un artiste d’il y a cent ans et pourtant encore si original et novateur. Il est considéré comme un des pionniers du graphic design au Japon. J’aime bien sa manière d’utiliser les couleurs, le dessin et la composition. C’était un génie.

Quel est votre écrivain préféré ?
Nanckichi Niimi. Il est très connu au Japon. Mon livre préféré s’intitule Gon, the little fox. Il n’a pas beaucoup écrit, car il est mort quand il était jeune. Pourtant, ses histoires me touchent et me font réfléchir.

© Satoe Tone - Kite 2012

Comment naissent vos histoires?
Au début personne ne me connaissait. Alors, j’ai du faire tout toute seule, même si c’était difficile. Initialement, je ne voulais que dessiner. Après, j’ai créé mon monde, là où habitent tous mes personnages. Je les connais très bien, je les comprends. Ce sont eux qui me disent comment ils veulent être dessinés.

N’aimeriez pas vous travailler maintenant avec un écrivain ?
Peut-être que je suis un peu rigide, mais désormais je préfère travailler toute seule. Je sens que, même si j’ai à faire à une belle histoire, je ne pourrais vraiment rentrer dans le monde créé par quelqu’un d’autre. Mes dessins seraient donc incomplets.

© Satoe Tone - Passepartout 2013


Pingouins, chats et surtout lapins : voici vos personnages. D’où vient cet amour pour la nature ?
Je pense que les animaux ont ce que les hommes ne peuvent pas avoir. Ou, peut-être, ils n’ont pas les même choses. Ils sont innocents, beaux et forts. Ils vivent pour vivre. Les conditions de vie sont tellement dures et, pourtant, ils essayent toujours d’aller en avant. Ils ont des émotions pures. Je suis amoureuse d’eux.

Le prix gagné à Bologne en 2013 a t-il changé votre vie ?
Cette victoire a seulement changé la vitesse de ma vie d’artiste. Mais je ne peux pas me sentir satisfaite. D’autant plus qu’il apparaîtrait comme la seule chose remarquable de mon parcours. Je n’ai pas encore l’expérience et les compétences que je souhaiterais avoir. Il y a encore du chemin !

Et la rencontre avec Kite/Passepartout ?
Je ne peux pas définir cette rencontre comme un changement, mais plutôt comme un vrai début.

© Satoe Tone - Passepartout 2014
Des projets futurs ?
Le lapin, qui s’appelle Moka, attend d’être dessiné avec tous ses copains !

Choisissez une des vos illustrations et analysez-la.
Je ne réfléchis pas beaucoup à la composition, aux couleurs etc. Je réalise instinctivement l’image que j’ai en tête. Cela arrive surtout quand je dessine Moka. C’est comme si lui en personne me disait comment il veut que je le dessine. Il a décidé que ses couleurs sont le bleu, le rose et le blanc. Et moi je donne corps avec l’acrylique et la gouache à ses histoires.