Un double regard, une vraie passion
pour la recherche du pourquoi, une plume agile et sûre d’elle : voici en
quelques mots ce qui caractérise Gérard Dhôtel, journaliste et écrivain à la
carrière et la bibliographie remarquable. L’une de ses dernières publications, Israël – Palestine : une terre pour
deux (Actes sud junior), a ainsi gagné la Pépite du Documentaire 2013,
remise à l’occasion du Salon du livre et de la presse jeunesse en Seine
Saint-Denis.
Pourquoi
avez-vous choisi de parler du conflit israélo-palestinien, un thème
controversé ?
C'est parce que, justement, il est
controversé que je l'ai choisi. J'avais envie de comprendre ce conflit,
comprendre aussi pourquoi il suscite tant de passions, de haines,
d'incompréhensions. Pourquoi tant d'idées reçues sont proférées à son sujet.
C'est une documentaliste qui m'a soufflé l'idée. Il n'y avait rien qui
expliquait cette guerre. Que des ouvrages engagés ou très compliqués. Je me
suis donc plongé dans ce sujet pour comprendre et, ensuite, pour expliquer.
C'est mon métier. C'est ce que j'aime.
Quels
retours avez-vous eu ?
Côté Palestinien, quelques critiques.
Des détails. Côté Israélien, pareil. Donc, c'est bon signe. Côté enseignants,
parents, ados : souvent un merci. Genre : je ne comprends rien à ce qui se
passe là-bas. Ca va m'aider.
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© Arno - Actes Sud junior 2013 |
Vous
êtes journaliste de profession, devenu écrivain. Regrettez-vous d’avoir mis
entre parenthèses votre carrière dans la presse ?
Non. Je ne regrette jamais les
décisions que j'ai prises. En fait, la disponibilité engendrée par mon départ
du Monde des ados, que je dirigeais jusqu'en 2010, m'a permis de me consacrer
davantage à l'écriture. J'ai pu mener à bien des projets et, pour commencer,
mon livre sur les ados, chez Thierry Magnier.
Comment
a eu lieu cette transformation ? Peut-on d’ailleurs parler de
transformation ?
J'avais déjà un pied dans l'édition.
Là, j'ai pu y sauter à pieds joints, avec les deux pieds, je veux dire. C'est
une transformation et ce sentiment étrange de changement de peau. Là, le 99%
journaliste devient 75% auteur. Il faut s'organiser autrement, avoir une autre
notion du temps, des urgences mais aussi de la gestion de son budget. Car
l'édition paye beaucoup moins que le journalisme !
Quelle
est la différence entre l’écriture journalistique et littéraire ?
L'écriture journalistique, c'est la
narration des faits, leur explication, de façon concise, urgente. L'écriture
plus narrative oblige l'auteur à plus se dévoiler, à se mettre en scène
parfois. On a le temps, l'espace, la liberté. Quoique dans l'écriture de
documentaires, les contraintes journalistiques reprennent le dessus. Et c'est
une bonne chose car on s'oblige à écrire pour son lecteur, à être précis dans
ses formulations, à chercher la bonne source, à réfléchir au sens de ce que
l'on écrit...
Quel
regard portez-vous sur le panorama contemporain de l’offre éditoriale pour les
adolescents ? Y a-t-il des vides à combler ?
Les ados ont beaucoup de livres -
romans, docus, albums - et de magazines à leur disposition. Le choix est varié,
de qualité, adapté à diverses situations. Le problème, c'est le prix. Personne
n'a encore trouvé le modèle économique qui pourrait rendre le livre et la
presse accessibles au plus grand nombre. Du coup, ce sont toujours les mêmes
qui lisent. Pour moi, le frein principal de la non-lecture est social.
Des
conseils pour les jeunes écrivains ?
Ecrire, réécrire, se demander : mais
pour qui je fais ça ? Puis faire lire, pas forcément à des proches car leur
regard n'est pas objectif, il y a trop d'affect dans la relation. Trouver une
bonne histoire, solide, construite, passionnante. La qualité d'écriture viendra
après.
Qui
sont vos références littéraires ?
Elles sont multiples car j'aime
découvrir, picorer, essayer. J'aime Zola pour son statut
d'écrivain/journaliste. J'aime Dumas pour sa façon de raconter l'histoire.
J'aime Victor Hugo pour son engagement et ses visions d'avant-garde. J'aime
Hergé pour m'avoir fait rêver avec Tintin. J'aime Jean Lacouture et ses
biographies. J'aime les textes de Brel. J'aime Gérard Mordillat et ses épopées
sociales.
Quel
est votre écrivain préféré ? Et pour la jeunesse ?
Préféré ? Dumas, je crois. Pour la
jeunesse ? Je suis fasciné par les illustrateurs. Enfin, par certains. Ils font
ce que je ne saurais jamais faire !
Y
a-t-il un illustrateur/trice avec lequel vous souhaiteriez travailler ?
Pas particulièrement. J'aime découvrir
l'illustrateur/trice que me propose mon éditeur pour tel ou tel ouvrage.
Des
projets futurs ?
Un docu sur la guerre d'Algérie à
paraître en novembre (chez Actes Sud Junior), un docu sur les Etats-Unis
(Nathan), "Comment parler d'histoire de France aux enfants (Baron Perché),
un "Vrai-faux" sur l'histoire (De La Martinière).
J'ai écrit un livre chez Syros, il y a
quelques années, "Bedirya la volontaire". Je ne sais pas trop s'il a
marché ou non mais c'est mon préféré car il relate mon histoire. Ca se passe en
Erythrée. C'est la rencontre d'une jeune fille et d'un journaliste. L'Afrique
et l'Europe. J'ai choisi la structure à deux voix. Parfois, c'est Bedirya qui
parle, parfois le journaliste et, de temps à autre, sur un même thème. Cette
technique me permet de décrire le regard que l'un a sur l'autre, d'exprimer des
sentiments, des sensations et, aussitôt de les contrebalancer par les propos de
l'autre. C'est un jeu de miroir déformant.
J'adore.
Exemple :
La rivière à sec (Bedirya)
Il est bizarre, ce Français ! Il veut
nous accompagner jusqu'au village. Pourquoi pas, après tout, s'il y tient. Mais
je ne suis pas sûr qu'il aura la force d'y arriver. Il fait trop chaud. La
femme d'Asmara remonte dans la voiture qui fait aussitôt demi-tour pour se
diriger vers le village, par la piste. Nous reprenons le chemin de la rivière.
L'homme nous suit. Les garçons rient en nous voyant passer.
Le village (Le journaliste)
Bedirya et Noura marchent de part et
d'autre de l'âne. Je les suis, quelques pas derrière. Le soleil est encore plus
brûlant que tout à l'heure. Quelle température peut-il faire ? 45°C, 50 ? Je
n'en sais rien. C'est long. Quelle idée j'ai eue ! Je n'y arriverai jamais. Je
transpire, je trébuche, je souffle. Je n'en peux plus... Bedirya se tourne vers
moi. Elle sourit. Elle se moque de moi, c'est sûr. Non, son sourire est amical
(...)