Pages

lundi 24 février 2014

Ma tempête de neige de Thomas Scotto

Auteur prolifique et passionné, fou amoureux des mots, il a été libraire avant de se consacrer corps et âme à sa passion : l’écriture. Son nouveau roman, Ma tempête de neige, vient de paraître chez Actes sud Junior. Nous rencontrons aujourd’hui Thomas Scotto.

ICI pour sa biographie et sa bibliographie complètes.
ICI pour son blog. 


Comment est née l’idée de ce livre ? Pourquoi avoir choisi ce thème ?

Ce texte fait partie de la collection « d’une seule voix » chez Actes sud Junior. Une collection à la forme imposée, celle de monologues intérieurs d’adolescents à lire à haute voix et qui compte déjà plusieurs titres d’auteurs que j’affectionne : Cathy Ytak, Gilles Abier, Jean-Philippe Blondel… Depuis le tout premier texte paru en 2007, l’impressionnant Quand les trains passent de Malin Lindroth, le ton était donné. J’avais sous les yeux de la grande littérature. Et cela me travaille depuis cette lecture-là…écrire un « d’une seule voix » ! Cette collection est un magnifique terrain de recherche. C’était un défi aussi car je n’ai pas beaucoup écrit pour ces âges-là. (Juste un recueil de nouvelles, Mi-ange, mi-démon, chez Thierry Magnier). Je voulais quelque chose qui ne soit pas anodin mais pas plombé non plus. Un texte de douceur qui pose questions mais dont la thématique soit pleinement assumée. L’idée ce cette naissance attendue est venue alors très naturellement…

Quel poids a joué votre paternité pendant l’écriture ?

Un poids gigantesque…ce serait idiot de le nier ! Je suis partout entre ces lignes… Et même s’il n’en reste pas moins une fiction, j’ai imaginé ce texte comme une déclaration d’amour paternelle. J’ai aimé follement être un futur papa. Jeune aussi : 21 ans… Dans les doutes, les peurs et les étonnements partagés avec une future maman que je ne remercierais jamais assez ! Pendant l’écriture, il a fallut donc verbaliser des sentiments vécus pleinement sur le moment, vécus peut-être parfois dans une certaine insouciance. Dans une première version, c’était justement cette jeune maman qui parlait. Cathy Ytak, a qui je l’avais fait lire, m’a laissé entendre que je me trompais de voix…elle avait raison. C’était bien celle du père que je voulais donner. Moins attendue et tout aussi impatiente, entière. Dix huit ans et quinze ans après, je suis dans ce même émerveillement de père ! C’est beaucoup de chance tout cela. C’est une grande partie de ma construction personnelle.



Votre profession vous amène à rencontrer souvent les adolescents. Quel regard portez-vous sur cette génération ?

Elle me questionne autant qu’elle m’épate. Peut-être que les adolescents que je croise aujourd’hui, ne ressemblent pas à celui que j’étais… Et pourtant, j’ai vraiment la sensation de quelque chose d’intimement universel. Ils sont capables, dans la même heure de rencontre, d’être des murs de pierre, des bâtons de dynamites sur le point d’exploser, des bulldozers qui veulent terrasser leur propre monde, des oreilles avides et des yeux sensibles, des avis précis sur ce qu’on leur a fait lire. Ils disent souvent, entre les lignes, « regardez-moi », « écoutez-moi », « aimez-moi ». S’il y a bien un endroit où on ne peut pas tricher…c’est devant un adolescent !

Votre bibliographie compte déjà plusieurs titres. Quel regard portez-vous sur le chemin parcouru jusqu’à présent ?

Mon premier livre est paru il y a 16 ans chez le même éditeur que ce dernier. Et les titres qui ont suivit sont, je crois, assez différents les uns des autres. En âges concernés, en genres et en formes… J’aime cette idée du « chemin parcouru », parce que je suis toujours en recherche.  On peut imaginer savoir écrire de mieux en mieux en vieillissant de plus en plus, et puis ce n’est pas si vrai que ça ! Je veux pouvoir me retourner un jour et me dire : Tous ces mots dans tous les sens ? Mais c’est tout logique, au fond. Je suis bien tout cela ! Drôle et grave, bon et moins bon. J’ai eu le même plaisir à écrire chacune des histoires. Et c’est ce qui me rend triste en ce moment…voir disparaître, pour des raisons plus économiques que sensibles, des textes qui sont « mes passeports ». C’est devenu mon cheval de bataille…que ces textes là ne meurent pas !



Pourquoi êtes-vous devenu écrivain pour la jeunesse ?

Je voulais être pâtissier…puis comédien de théâtre…alors pourquoi oui… ?! Parce que grand lecteur de livres pour la jeunesse écrits par de grands auteurs (Tomi Ungerer, Roald Dahl). Enfant, je n’ai pas manqué de livre ni de chansons. J’avance, ici encore, Anne Sylvestre…tellement fondatrice ! Et, devenu jeune adulte écrivant, je crois que je ne me suis même pas posé la question du destinataire. C’est arrivé aussi simplement que ça.
Après ma première publication, j’ai rapidement croisé Jo Hoestlandt, Nadine Brun-Cosme, Christophe Honoré, Olivier Mau, Hector Hugo…des auteurs parfaitement humains et audacieux. Les belles personnes au bon moment.

Vers quelles dimensions de l’imaginaire ou de la réalité voudriez-vous tourner le regard maintenant ?

Imaginaire ou réalité, je n’ai pas de préférence.
Je veux continuer à me surprendre, surtout. C’est très égoïste mais je suis le premier à ne pas vouloir me décevoir !
Cela peut prendre toutes les formes possibles : bande dessinée, chansons, d’autres textes d’albums j’espère ou de petits romans… Peut-être aller un peu plus encore vers l’écriture dite « adolescente » dont la frontière avec celle adulte est parfaitement poreuse.

Avec quel illustrateur auriez-vous envie de collaborer ? Pourquoi ?

J’ai la chance d’en rencontrer beaucoup. Dans les livres et en vrai. J’ai eu la chance d’être illustré par certains que j’aime : Elodie Nouhen, Olivier Tallec, Eric Battut, Ingrid Monchy, Benjamin Adam… Je suis quelqu’un de curieux dans ce domaine de l’image alors les envies futures ne manquent pas ! Avec des confirmés et des nouveaux… beaucoup de projets en duo dorment d’ailleurs, parce que refusés. Il y en a quand même un que je tente de séduire depuis des années lumière… !
Alfred.
Du talent sensible et un trait qui ne tombe jamais dans la facilité. Il vient d’obtenir le prix d’Angoulême pour son Come Prima aux éditions Delcourt. Ça risque de ne pas être encore pour tout de suite cette affaire !

Quel était votre livre préféré quand vous étiez enfant ?

Mon premier grand souvenir…Jean de la lune de Tomi Ungerer.

Quelles sont vos sources d’inspirations, littéraires ou autres ?

La vie de tous les jours et les grandes émotions qui nous traversent. La famille aussi ! Les rapports ténus des uns avec les autres, tous sexes confondus. Tout ce qui fait qu’on se couche le soir un peu plus différent du matin. Plus grand ou plus en colère. Plus poète et plus aventurier. Nos voyages très intérieurs… Et les grandes questions des enfants qui sont parfois les mêmes que l’on se pose adulte.

Pourriez-vous nous décrire votre journée type ?

Il n’y en a pas ! Je ne suis pas 24h sur 24 entrain d’écrire et pourtant j’écris toujours. Je ne suis pas hors la vie, ce qui fais que je compose avec elle pour laisser cette place à l’écriture. Et je vais beaucoup à la rencontre des enfants, des ados. Grâce aux enseignants, aux bibliothécaires, aux organisateurs de salons du livre, aux documentalistes…
Sans tous ces médiateurs, je crois sincèrement que mes livres ne seraient jamais vus ni lus. Mes journées sont donc très nomades avec comme fil conducteur, l’écriture.



A quel projet travaillez-vous en ce moment ?

J’aimerais me replonger dans le projet presque terminé d’un roman pour la collection « Photoroman » chez Thierry Magnier. La série de clichés d’un photographe est donnée à un auteur pour nourrir une histoire. Il s’intitule Chaque pas que je fais. C’est une phrase extraite d’une chanson de Pierre Lapointe dont les textes sont, là encore, de la littérature totalement renversante ! S’il est accepté, j’aurais l’impression d’avoir encore franchi une petite montagne…

Pourriez-vous choisir un passage dans un de vos livres et l’analyser ?

« (Entre le 20 et le 21 juillet, pile.)

C’est une nuit vraiment pas juste !                      
Je suis pourtant assise tout au bord de la chaise
mais mes pieds ne touchent même pas jusqu’à la planète terre.
J’étire, j’étire encore le bout de mes chaussures, mais rien.       
Je suis la plus petite des petites, voilà !
Je m’étire…je fais ça depuis des minutes entières pour passer le temps,
des années lumière même…                                                                        
Ça, en plus d’être impatiente que tu atterrisses bientôt. »

Un bond de géant. Editions Kilowatt, Illustrations de Barroux. (mars 2014)

Plus qu’une analyse…une question :
Ce prochain album parle encore d’une naissance, le soir du premier pas sur la lune…
C’est grave docteur ?!