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lundi 13 janvier 2014

Le fabuleux monde de Satoe Tone

Satoe Tone, née en 1984, a fait des études d’illustration et de graphisme à Kyoto (Japon). Puis elle est partie en Grande Bretagne pour apprendre l’anglais.
En 2013, elle a gagné le Prix International de l’illustration à la Foire du livre jeunesse de Bologne (Italie).

Bibliographie :

- Je peux le faire, Passepartout, 2011
- Mon meilleur ami, Passepartout, 2012
- Cœur d’étoiles, Passepartout, 2012
- La très grande carotte, Balivernes, 2012
- Une si jolie Terre, Balivernes, 2013
- Du chocolat pour toi, Passepartout, 2013


© Satoe Tone - Passepartout 2013

Vous êtes née au Japon, vous avez étudié en Grande-Bretagne et vous vivez désormais en Italie. Quel hasard vous a conduit à Milan ?
J’ai souvent déménagé, même quand j’habitais au Japon. Ces dix dernières années, j’ai beaucoup bougé. C’est arrivé comme ça, il n’y avait pas forcément une envie spécifique. Ayant vécu dans des endroits si différents, j’ai rencontré beaucoup de gens qui m’ont laissé autant des souvenirs. C’est quelque chose de beau et de triste en même temps.
Je ne sais pas pourquoi je suis arrivée à Milan. C’est comme si plusieurs morceaux s’étaient unis en un dessin cohérent qui m’a mené là. Pour l’instant, je veux y rester. Je n’envisage pas de changer.

Où vous sentez-vous vraiment chez vous ?
Autrefois, la vielle maison familiale était l’endroit où je me sentais chez moi. Désormais, elle n’existe plus.

© Satoe Tone - Passepartout 2011

Quelles sont les différences entre illustrations occidentale et orientale ? De qui vous sentez-vous l’héritière ?
J’ai l’impression que l’illustration occidentale est plus abstraite, alors que l’orientale est plus concrète. Quand j’étudiais à l’université, j’imitais beaucoup de peintres et d’illustrateurs célèbres. Pourtant, mes dessins étaient toujours médiocres et jamais très originaux. Personne ne les appréciait. Après mes études, je me suis éloignée du monde de l’art et j’ai commencé à observer la nature. Maintenant, quand je me sens perdue et que je ne sais pas comment dessiner quelque chose, je me tourne vers elle. Elle m’apprend beaucoup de choses intimes et profondes.
J’aime aussi échanger avec des gens qui n’appartiennent pas au milieu de l’illustration. Le monde est si grand ! Pour tout dire, c’est seulement l’année dernière, quand j’ai déménagé en Italie, que j’ai recommencé à aller voir des expositions. Mais pas pour étudier. Juste pour le plaisir.

Quelles sont les différences entre le marché du livre jeunesse au Japon et en Europe (France et Italie en particulier) ?
J’ai l’impression que les livres italiens et français sont plus libres. Le dessin joue un rôle très important. Les éditeurs respectent les différents styles des artistes et n’interviennent pas trop pour simplifier les choses, pour les rendre plus accessibles aux enfants. Les images ont alors une lisibilité différente et sont également appréciées par les adultes. Et les adultes européens achètent plus de livres que leurs homologues japonais ! Bien évidemment, ce ne sont que des généralisations et des impressions personnelles.

© Satoe Tone - Passepartout 2012

Qui sont vos illustrateurs préférés ?
Il y en a tellement ! Je pense, par exemple, à Seiji Fujishiro, un grand artiste du shadowgraph. J’adore ses œuvres. Je n’arrive pas bien à expliquer pourquoi, mais il suffit de les regarder. Elles sont exceptionnelles. Il y a aussi Yumeji Takehisa, un artiste d’il y a cent ans et pourtant encore si original et novateur. Il est considéré comme un des pionniers du graphic design au Japon. J’aime bien sa manière d’utiliser les couleurs, le dessin et la composition. C’était un génie.

Quel est votre écrivain préféré ?
Nanckichi Niimi. Il est très connu au Japon. Mon livre préféré s’intitule Gon, the little fox. Il n’a pas beaucoup écrit, car il est mort quand il était jeune. Pourtant, ses histoires me touchent et me font réfléchir.

© Satoe Tone - Kite 2012

Comment naissent vos histoires?
Au début personne ne me connaissait. Alors, j’ai du faire tout toute seule, même si c’était difficile. Initialement, je ne voulais que dessiner. Après, j’ai créé mon monde, là où habitent tous mes personnages. Je les connais très bien, je les comprends. Ce sont eux qui me disent comment ils veulent être dessinés.

N’aimeriez pas vous travailler maintenant avec un écrivain ?
Peut-être que je suis un peu rigide, mais désormais je préfère travailler toute seule. Je sens que, même si j’ai à faire à une belle histoire, je ne pourrais vraiment rentrer dans le monde créé par quelqu’un d’autre. Mes dessins seraient donc incomplets.

© Satoe Tone - Passepartout 2013


Pingouins, chats et surtout lapins : voici vos personnages. D’où vient cet amour pour la nature ?
Je pense que les animaux ont ce que les hommes ne peuvent pas avoir. Ou, peut-être, ils n’ont pas les même choses. Ils sont innocents, beaux et forts. Ils vivent pour vivre. Les conditions de vie sont tellement dures et, pourtant, ils essayent toujours d’aller en avant. Ils ont des émotions pures. Je suis amoureuse d’eux.

Le prix gagné à Bologne en 2013 a t-il changé votre vie ?
Cette victoire a seulement changé la vitesse de ma vie d’artiste. Mais je ne peux pas me sentir satisfaite. D’autant plus qu’il apparaîtrait comme la seule chose remarquable de mon parcours. Je n’ai pas encore l’expérience et les compétences que je souhaiterais avoir. Il y a encore du chemin !

Et la rencontre avec Kite/Passepartout ?
Je ne peux pas définir cette rencontre comme un changement, mais plutôt comme un vrai début.

© Satoe Tone - Passepartout 2014
Des projets futurs ?
Le lapin, qui s’appelle Moka, attend d’être dessiné avec tous ses copains !

Choisissez une des vos illustrations et analysez-la.
Je ne réfléchis pas beaucoup à la composition, aux couleurs etc. Je réalise instinctivement l’image que j’ai en tête. Cela arrive surtout quand je dessine Moka. C’est comme si lui en personne me disait comment il veut que je le dessine. Il a décidé que ses couleurs sont le bleu, le rose et le blanc. Et moi je donne corps avec l’acrylique et la gouache à ses histoires.