Après des études
d’illustration à l’Istituto europeo di design (IED) à Milan, Eva Montanari
commence à publier en Italie, Grande-Bretagne, France, Allemagne, Espagne,
Japon et Taiwan. Ses livres sont aussi traduits au Portugal, en Turquie,
Finlande, Argentine et Thaïlande.
ICI sa
bibliographie complète.
Elle collabore
aussi avec différents magazines et réalise des affiches et des calendriers. Eva
Montanari anime plusieurs cours d’illustration en Italie et à l’étranger.
Son dernier
livre sur Matisse a été réalisé à l’occasion de la grande rétrospective que la
ville de Ferrara dédie au peintre et qui ouvre ses portes le 22 février.
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© Eva Montanari |
Comment avez-vous géré la confrontation avec un artiste comme Matisse ?
J’ai récupéré
d’abord tous les livres et les catalogues disponibles. Ensuite, j’ai fait des
recherches sur internet et j’ai regardé beaucoup de documentaires sur le sujet.
Il s’agit d’un livre de commande. Pourtant, j’ai été libre de choisir tout, du
nombre de pages au format, du style à la technique à utiliser, jusqu’à la façon
de traiter le personnage. J’ai pu décider si je voulais raconter Matisse sous
le point de vue biographique ou poétique, si je souhaitais être descriptive ou
synthétique.
J’ai beaucoup
étudié sa biographie et son œuvre, mais finalement j’ai concentré toute mon
attention sur le mot que j’avais associé au peintre quand je l’avais découvert
pour la première fois : c’est-à-dire la « joie ». Cela a été mon
point de départ. C’est à « elle » que j’ai donné la parole pour lui
faire raconter Matisse.
Quelle technique avez-vous utilisé ?
Comme le faisait
déjà Matisse, j’ai décidé de découper et de coller du papier que j’avais précédemment
coloré. J’ai enrichi cette technique avec des pastels, des acryliques et des
craies. Dans les pages où je raconte le passage de Matisse au collage, j’ai
essayé de raconter cette transition de la façon la plus pure possible.
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© Eva Montanari |
A chaque page, on remarque la présence d’un chat qui cache derrière lui un autre personnage. On trouve souvent cet animal dans vos albums…
C’est vrai,
c’est un élément qui revient très souvent chez moi. Dans ce livre, il y a aussi
un oiseau et un poisson. Chacun d’entre eux représente une couleur primaire. J’ai
repéré ces trois personnages dans plusieurs photos en noir et blanc du peintre
et j’ai décidé d’en faire des guides pour la narration. C’est une suggestion. Le
lecteur peut imaginer qu’un de ces trois animaux raconte l’histoire à la
première personne. Le chat est celui qu’on perçoit comme étant le plus malin et
mystérieux.
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© Eva Montanari |
Ce n’est pas la première fois que vous réalisez un livre sur un artiste. Il y avait déjà eu Degas…
Je ne sais pas
si c’est une volonté précise de ma part ou un simple hasard. Le livre sur Degas
était né par la fascination que j’avais pour un de ses tableaux, la Classe de danse. En premier plan, il y a
une danseuse qui se gratte paresseusement le dos. Maintenant, je travaille sur
un livre à propos d’un autre artiste.
Essayez-vous d’élaborer une espèce d’héritage ou,
simplement, de faire connaître des personnalités que vous aimez ?
J’ai peut-être
juste envie de raconter à travers des albums illustrés des parcours artistiques
qui contiennent des indices, des suggestions, des possibilités. Travailler sur
ces livres m’a permis d’observer, de fouiller et de réinterpréter la vie de ces
grands artistes. J’ai été poussée à faire des expériences. Par exemple, je
n’avais jamais utilisé les craies avant de travailler sur l’album de Degas. Grâce
à Matisse, j’ai reçu une grande leçon de révolution créative.
Quels sont vos illustrateurs préférés ? Et les
écrivains ?
C’est une
question à laquelle j’ai répondu beaucoup de fois. Je ne me souviens pas si
j’ai toujours cité les mêmes noms. Car la liste est très longue et à chaque
nouvelle découverte, j’ajoute un nom ! L’illustratrice qui m’a fascinée le
plus quand j’étais étudiante a été l’illustratrice Lisbeth Zwerger. Je pense que
c’était à cause de la leçon d’économie de moyens d’expression et de la propreté
qu’elle donne avec chacune de ses images. Deux caractéristiques si lointaines
de ma façon de raconter ! Ces derniers temps, par contre, je suis beaucoup
plus influencée par la peinture.
Parmi les
écrivains, si je devais en nommer seulement un, je parlerais d’Italo Calvino… Ou
peut-être d’Elsa Morante ? C’est difficile de choisir et je n’aime pas
tellement cela. J’aime aussi beaucoup d’auteurs catalogués « jeunesse ».
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© Eva Montanari |
Comment naissent vos histoires ? Quelles sont vos sources d’inspiration ?
Chacune nait
différemment, d’une curiosité ou d’une obsession qui m’accompagne jusqu’au
moment où je ne l’ai pas transformée en narration. Les sources précises, je ne
saurais pas les indiquer. C’est sûr que je lis et regarde énormément de livres.
Mes sources sont des images, mais aussi des personnes. J’aime les gens et
j’adore imaginer et réfléchir sur leurs propres expériences comme si c’étaient
les miennes.
Pourriez-vous nous décrire votre atelier ? Quelle
est la première chose que vous faites quand vous vous asseyez à votre table à
dessin ?
Si je dois être
sincère, la première chose que je fais quand je rentre dans mon atelier c’est
d’ouvrir les fenêtres ou d’allumer la lumière, si il fait trop noir dehors. Puis,
je traîne un peu sur l’ordinateur. C’est seulement après que je trouve la
concentration pour commencer à dessiner. Mon atelier est très grand, avec deux
tables, une grande bibliothèque et une fenêtre qui s’ouvre sur le jardin. C’est
le lieu où j’élabore mes projets, où je trouve la solution. C’est où je peux me
permettre d’essayer toutes les techniques, où je peux me salir de la tête aux
pieds. Mais ce n’est pas toujours là que j’ai l’inspiration. Pendant l’été, par
exemple, je déménage au parc ou sur la table d’un bar sur la plage. Là, d’abord
je me promène le long de la mer, puis je commence à dessiner. Parfois, je vais
travailler chez des copains ou dans des bibliothèques, pour avoir la
possibilité de regarder de nouveaux livres ou de parler et de me confronter à
d’autres personnes. Pendant que je voyage, mon atelier est le carnet que je
tiens entre les mains. Ils sont tout aussi importants l’un que l’autre.
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© Eva Montanari |
Vous êtes aussi sculptrice. Pourriez-vous nous parler de cette facette moins connue de votre travail ?
Si je n’avais
pas dans mon atelier tout l’espace dont je dispose, tous les outils que je
possède, il serait difficile de faire des expériences dans ce domaine. J’ai
commencé car j’avais envie de voir vivre mon travail en trois dimensions. J’utilise
une technique mixte et les matériaux avec lesquels je finalise mes travaux sont
les mêmes que pour mes illustrations.
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© Eva Montanari |
Vous donnez beaucoup de cours d’illustration. Quelles choses essayez-vous d’enseigner ? Qu’est-ce que vous avez appris ?
Les personnes me
fascinent, mais le travail d’un auteur est très solitaire. Depuis huit ans, je
donne donc des cours d’illustrations en Italie ou à l’étranger pendant lesquels
j’essaye d’expliquer comment construire un album. J’encourage d’habitude mes
étudiants à développer un projet personnel. C’est quelque chose qui m’a permis
de rencontrer beaucoup de gens différents, avec du potentiel qui est encore
tout à découvrir. Cette activité me montre aussi comment des suggestions
proposées en classe peuvent ensuite être élaborées d’une façon imprévisible par
chacun de mes étudiants. Cela ouvre énormément l’éventail des possibilités.
Avez-vous jamais souffert du syndrome de la page
blanche ?
Non, car, comme
je le disais toute à l’heure, dans mon atelier j’ai plein de carnets des
suggestions à développer. Par contre, j’ai souffert du syndrome de la
dispersion des énergies. L’inspiration est fondamentale, mais la concentration
pour finaliser un projet et lui donner une forme précise, l’est tout autant.
Sur quoi travaillez-vous en ce moment ?
Je suis en train de réaliser un livre sur un des artistes qui m’a le
plus fasciné. Mais pour l’instant, je garde le secret en continuant à avancer.
Pourriez-vous analyser une de vos images ?
Il s’agit d’une
illustration pour un livre sur lequel je travaille en ce moment. Il est
intitulé The Tortoise and the Hare et
sortira chez Grimm Press. L’image est réalisée avec une technique mixte :
acrylique, huile et pastel sur papier. Elle arrive vers la fin du livre et a la
fonction de créer un raccord avec les précédentes illustrations. Cette image dévoile
le paysage où la narration se déroule. Pour mieux comprendre son rôle, je
montre aussi une des pages de croquis qui la précède. Il s’agit, par contre,
d’une vision très précise. Les couleurs sont très chaudes. Je voulais que ce
soit une image d’atmosphère, avec de nombreux détails à découvrir. J’ai été
inspiré par les peintres Benozzo Gozzoli, Beato Angelico, mais aussi Giotto.
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© Eva Montanari |
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© Eva Montanari |
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Benozzo Gozzoli. Cappella dei Magi, Palazzo Medici Ricciardi à Florence |